Finalement la pêche à l’homme n’était pas bonne en cette soirée, mais ça n’avait pas d’importance. La pluie tombait toujours plus dru, les gouttes glissaient sur sa peau d’albâtre, sa robe collait à son corps et marquait encore plus ses courbes. Son visage était comme à son habitude impassible, quoi que ses lèvres pincées, dessinaient un léger rictus, marque d’ironie. Son regard était étrangement vide, inanimé, froid pour ne pas dire glacial.
Elle fut soudain secouée d’un spasme, des frissons lui parcoururent l’échine en remontant jusqu'à sa nuque pour redescendre dans ses bras en hérissant tout les poils tel un chat effrayé.
La jeune femme se sentit tout à coup pesante, la tête lui tournait elle perdait ses repères.
Ces symptômes bien connu d’elle, lui fit aussitôt porter les mains à sa besace en cherchant presque à tâtons les sangles qui la refermaient. Elle s’adossa contre un mur, dans une ruelle peut fréquentée et se laissa glisser sur le pavé trempé par les eaux diluviennes. Jamais on n’aurait pensé qu’il s’agissait d’un jour de juin. D’un geste fébrile elle dénoua les sangles de sa sacoche et fouilla, de plus en plus pâlissante le fond. Ses doigts se crispèrent alors sur un petit flacon noir, qu’elle garda un moment serré contre sa paume, un sourire de soulagement au coin des lèvres. Puis la femme toisa le contenue de sa flasque, il lui restait peu d’eau.
Elle la déboucha et déversa quelques gouttes de la précieuse fiole noire dans l’eau. Une expression alors de profonde anxiété, de désarroi, d’inquiétude, troubla son visage d’ordinaire si impénétrable. Que pouvait-il bien ce passer ? Lust bu le reste que contenait sa gourde et s’appuya davantage contre le mur. Elle releva la tête, les yeux clos, bouche entrouverte. La jeune femme garda cette posture de longues minutes, les yeux irrémédiablement fermés, et dans sa main gauche le flacon noir vide !
Oui bel et bien vide, elle venait de verser dans sa flasque le reste du liquide contenue dans la fiole. Elle ne savait pas comment elle allait faire à l’avenir pour remédier à ses crises si violentes ? Comment allait-elle faire pour que son corps tienne le coup, alors qu’il ne désirait qu’une chose, la chaleur, cette sensation que lui procurait ce poison ?
Mais pour l’heure le mystérieux liquide faisait son effet et Lust ressentie un intense bien-être, un plaisir incomparable. Elle pouvait sentir le fluide circuler dans tout son corps, dans ses veines, dans toutes les plus infimes parties de son être. Aucunes parcelles n’étaient épargnées la sensation était partout. La jeune femme frémit et laissa échapper un soupir d’aise, avant de s’effondrer inconsciente sur le pavé ruisselant.
Jamais on eut autant pitié de Lust que dans ces moments, ou son corps en manque recevait sa dose de « chaleur » artificielle. Jamais on eut d’elle une image aussi fragile que lorsqu’elle ingurgitait le contenue de cette maudite fiole qu’elle détestait autant qu’elle chérissait.
Le rideau de pluie s’abattait sur son corps immobile et froid. Elle aurait donné tout, même si elle se refusait à l’admettre : la sécurité d’un foyer, la douceur et la chaleur rassurante des bras d’un homme.
Mais tout cela n’était pas pour elle. Elle était Lust ! Pas n’importe qu’elle ouaille qui se contente d’une vie faite de platitudes, et qui se satisfait de la monotonie de ses jours !
C’est se qui faisait d’elle un être paradoxale, mais profondément mauvais.
La jeune femme resta donc étendue dans la ruelle moulinoise, cernée par la pluie, le corps secoué quelques fois par des tremblements, en attendant que quelqu’un la découvre.