Le temps s’écoule, les décennies s’enchaînent aux années et les siècles s’égrainent… le passé s’efface peu à peu, reste alors la légende. Et le soir, alors que le vent gronde dehors et que la nuit nous rappelle nos peurs ancestrales, blottis au coin du feu nous nous laissons conter quelques histoire des temps immémoriaux….
Dans les temps anciens vivait aux abords des bois prés de Moulins, petit bourgade alors naissante, un homme avec sa femme est son fils.
C’était une famille de paysans, ils n’étaient pas bien riches mais n’étaient pas dans le besoin non plus. La femmes et le fils se contentaient humblement de ce qu’ils avaient mais le père qui était d’un caractère plus ambitieux nourrissait en lui la rancœur ne n’avoir point fait fortune.
Chaque jour qu’Aristote faisait il maudissait un peu plus sa condition. Il devint doucement un homme aigre et prêt à tout pour s’enrichir, quels qu’en soient les moyens.
Un soir, alors qu’il rentrait bien tard de la grande foire ducale où il n’avait pas fait les affaires qu’il espérait, en passant par le grand bois de Moulins son regard fut attiré par des ombres qui bougeaient au loin .
Personne de sain d’esprit à Moulins ne s’aventurait en ce lieu à cet heure à part notre homme car le chemin était ainsi plus court pour rentrer dans sa ferme isolée. Les moulinois disaient le lieu « habité »… Chacun comprenait bien que cela voulait dire que l’endroit était hanté.
Plusieurs personnes avait dit y voir se promener d’étranges petites créatures au visage affreusement laid et au regard méchant, des voyageurs égarés racontèrent même avoir été poursuivis et roués de coups par ces même créatures…
Notre homme croyait fermement en l’existence de ces vilaines petites créatures mais il ne les craignait point. Bien au contraire, avide comme il l’était, il nourrissait secrètement l’espoir de les surprendre un jour pour découvrir où les petits êtres cachaient leur trésor car il rêvait de s’en emparer.
Ce soir là il se dit que sa chance arrivait enfin. Il reconnu assez vite les petits bonhommes en les observant derrière un buisson et il les suivit discrètement jusqu’à un amas de rochers.
Une fois arrivés devant les rochers il frappèrent la pierre en prononçant des paroles magiques et celle-ci sembla s’ouvrir comme une grande bouche emplie de lumière. L’homme n’en cru pas ses yeux, une caverne étincelait d’or derrières les rochers. Les petits hommes vinrent y poser quelques pièces d’or.
Il se dit alors qu’il ne devait pas rater une telle occasion, il avait sous les yeux tout ce qu’il avait tant désiré. Dans un élan de courage il lança un énorme caillou dans les arbres. Les êtres, surpris, sortirent en courant pour voir ce qui se passait un peu plus loin sous les arbres. Il bondit alors dans la caverne et s’empara en un instant du gros coffre empli de pièces d’or. En un instant il fut sorti et parcourait déjà en courant les sentiers de la foret a grandes enjambées, le cœur battant si fort qu’il cru que sa poitrine allait exploser.
Une fois rentré chez lui il réveilla sa femme et son fils et leur montra, fier de lui, son incroyable butin. Ils furent d’abord effrayés par l’idée que les petits êtres réputés si féroces viennent se venger puis voyant leur train de vie s’améliorer de jour en jour cette pensée s’estompa jusqu’à disparaître. Toute la famille arriva même à oublier de quelle malhonnête manière elle s’était enrichie.
Bien longtemps après, alors que notre paysan était devenu un riche fermier ventru, en une fin de soirée d’automne alors que la famille était attablée quelqu’un frappa à la porte.
La mère fut prise de frayeur en ouvrant, découvrant trois de ces horribles créatures en questions, au nez crochu et au visage terriblement déformé. Ils étaient vêtus de haillons et semblaient avoir très faim.
Celui qui semblait le plus vieux s’adressa alors à la famille… « N’ayez crainte… nous venons quémander quelque nourriture… toute notre fortune nous a été dérobée et nous n’avons plus de quoi nourrir les nôtres. Si vous nous offriez quelque nourriture nous vous serions redevable et vous ne manqueriez pas de recevoir nos services… »
L’homme vit là une deuxième possibilité de se jouer des petits êtres et leur donna du pain malgré les réticences de son épouse. Les petits hommes lui jurèrent alors de l’aider lui et sa famille en toute occasion ce qu’il accepta volontiers.
Un fois qu’il furent partis celui-ci se venta en son fort intérieur de s’être bien moqué d’eux.
Pendant une semaine l’homme ne revit pas les petits bonshommes.
Un jour alors qu’il allait labourer son champ de blé un d’entre eux se fit enfin voir et lui dit :
- « que fais tu là ? »
- Hé bien je laboure mon champ » lui répondit le paysan.
- « Alors nous allons t’aider. »
Et des dizaines et des dizaines de créatures se mirent à labourer avec lui. Le soir en revenant chez lui bien tôt il ne put s’empêcher de se venter une fois de plus de s’être joué des petits êtres.
Quelques mois plus tard alors que la moisson approchait l’homme vint voir si son blé était mur. Il cassa un brin de blé et écrasa un épi dans sa main alors un petit être apparut calmement prés de lui et lui dit :
- « Que fais tu là ?
- Et bien je regarde si mon blé est mûr… » répondit l’homme qui s’attendait déjà à voir venir cette petite troupe faire ses moissons les jours prochains.
- « Et bien nous allons t’aider… » répondit aussi calmement le petit être.
Des centaines de petits êtes apparurent alors et s’emparèrent des épis de blé pour les écraser méthodiquement entre leurs mains.
L’homme pâlit et implora les créatures d’arrêter mais ils réduirent bien vite à néant son champ de blé sans même l’écouter.
Son fils qui passait par là se précipita prés de lui et lui fit remarquer que cela était prévisible qu’il était dangereux de se jouer de ces petits êtres.
Empli de rage l’homme se précipita sur son fils et, ne supportant pas ses remarques se mit à le battre.
Un des petits bonshommes s’approcha alors de lui :
- « Que fais tu là ?
- Hé bien je frappe mon fils !!! » répondit sèchement l’homme.
- « Alors, nous allons t’aider.. »
Et des centaines de petits être se mirent à frapper le fils sans que l’homme puissent les arrêter. L’homme, empli de terreur et de désespoir mit sa tête entre ses mains et s’arracha des cheveux.
Un des êtres lui demanda alors
- « Que fait tu là ?
- Et bien je m’arrache des cheveux…
- Alors, nous allons t’aider »
Ils se jetèrent alors sur lui et de leurs doigts crochus ils lui arrachèrent chaque cheveux, imperturbablement. Et quand ils eurent arraché les cheveux ils arrachèrent sa peau…
Voilà que son épouse arriva à ce moment. Prise de terreur elle voulu mettre fin à cette sombre histoire et couru dans leur ferme pour prendre ce qui restait du trésor et leur rendre.
Elle ouvrit le coffre et n’y trouva qu’un amas de feuilles mortes… Relevant la tête elle vit que sa maison n’était plus que l’humble masure qui logeait autrefois sa famille.
La femme se mit alors à pleurer.
Une des petites créatures se présenta alors devant elle et lui dit
- « Que fais tu là ?
- Et bien, je pleure » répondit elle entre deux sanglots.
- « Alors, nous allons t’aider ».
Et des centaines de petits êtres se mirent à pleurer à chaudes larmes.
Ils pleurèrent tellement que leurs larmes formèrent un ruisseau puis une rivière et que la femme s’y noya emportée avec son époux leur fils et leur ferme.
Et depuis lors au cœur de Moulins coule une rivière aussi pure qu’une rivière de larmes.
Bien plus tard des hommes baptisèrent ce cour d’eau « Allier »… Mais quelques anciens se rappellent encore que dans leur enfance ils l’entendirent appelée « malédiction» et ils ne manquent pas d’invoquer Aristote quand leur regard se pose sur ses eaux.
La légende finie… le silence laisse entendre les flammes mourir dans la cheminée. Le vent gronde encore dehors et la nuit s’est faite plus noire. Chacun regagne alors son lit pour frissonner d’effroi avant de s’endormir en se rappelant les histoires du passé.